L’opium dans la mondialisation :
le cas du Triangle d’Or
Pierre-Arnaud Chouvy
Géographe, chargé de recherche au CNRS (Prodig).
Drogues, santé, société
No 1 / mai 2016 /// Drogues et mondialisation, Volume 15
Mots-clés
Asie, opium, histoire, politique, économie, prohibition
Résumé
La géographie et l’histoire des drogues illégales sont profondément
ancrées dans les dynamiques anciennes et actuelles du processus de
mondialisation, ainsi que le montre la géohistoire du pavot à opium en
Asie. Le pavot à opium parce qu’il fournit un exemple éloquent des
relations dynamiques qui ont existé et qui persistent entre l’économie
politique et la géographie des drogues illégales d’une part et la
mondialisation d’autre part. L’Asie, quant à elle, fournit un espace
géographique de référence riche d’enseignement parce que l’on peut
estimer que le narcotrafic international y est né et que la plus
importante toxicomanie de masse s’y est développée (l’opiomanie
chinoise). L’histoire et la géographie de l’opium en Asie doivent
beaucoup aux processus d’internationalisation des échanges et de
mondialisation, marqués comme ils l’ont été par le commerce
intercontinental triangulaire, le protectionnisme économique chinois,
les monopoles et autres régies coloniales de l’opium, les guerres
impériales sino-britanniques, la genèse de la prohibition mondiale de
certaines drogues, les conflits armés nationaux et internationaux
consécutifs aux indépendances et à la Guerre froide, etc. La géohistoire
de l’opium en Asie montre clairement que le développement du
narcotrafic résulte en grande partie de l’intervention étatique à
l’échelle mondiale. En fin de compte, la géographie des drogues
illégales est à considérer au regard de celle de la distribution
mondiale et asymétrique du pouvoir, des richesses et des revenus, et de
ses impacts sur les crises et les conflits.